« Je me suis dit que j’allais pouvoir réaliser une espèce de fantasme : avoir, pour la première fois depuis l’enfance, tout mon temps pour la lecture. En fait, ça ne se passe pas du tout comme ça. »
Depuis le 17 mars, le magazine Livres Hebdo publie le Journal du confinement réalisé chaque jour par un professionnel du livre. Amanda Spiegel, libraire à Montreuil, a signé le troisième épisode.
Ses mots ont fait écho avec force. Le confinement donne à voir la réalité de notre métier, un métier passion qui ne consiste pas seulement à lire des livres toute la journée et Amanda Spiegel le décrit avec justesse.
Comme Amanda Spiegel, pour compenser le manque de vous, consoler notre tristesse de voir nos portes fermées, apprivoiser l’idée de notre librairie et notre boutique de jouets silencieuses, nous caressions le rêve de rattraper le temps. Rattraper le temps et lire les piles de livres, défaire tous ces cairns de papier disséminés dans nos maisons. Un rêve…
Mais, comme Amanda Spiegel, nous sommes mobilisées devant notre ordinateur, au téléphone, plongées dans nos dossiers pour mesurer toutes les conséquences du confinement. Il faut agir pour nos propres librairies et pour nos équipes. Il faut agir collectivement avec les Librairies Sorcières, avec le Syndicat de la Librairie Française, avec les éditeurs, les auteurs, les diffuseurs… S’entraider, se tenir debout, s’épauler, contribuer, se serrer les coudes, réfléchir, décider, agir.
« À partir de mardi, la profession s’est organisée. L’urgence, c’était la trésorerie. Il a fallu mettre en place les négociations avec les distributeurs. Ils ont tout de suite compris que s’ils n’agissaient pas très vite en faveur de la trésorerie des librairies, ils allaient laisser des libraires sur le carreau et que ça mettrait l’ensemble de la filière en difficulté durable. Beaucoup ont pris des initiatives responsables. »
Structurée et dynamique, la chaîne du livre se révèle, sans surprise, particulièrement solidaire. C’est d’ailleurs d’une voix puissante qu’elle réplique à Bruno Le Maire. Quatre jours après le début du confinement, le ministre évoque sur France Inter la possibilité de ré-ouvrir les librairies.
« Aussitôt, on s’est échangé des centaines de mails : une levée de boucliers générale (disons à 99,9%!) des libraires. Nous demandions qu’il n’y ait pas de concurrence déloyale des vendeurs en ligne, et donc que le livre ne soit pas considéré comme un produit de première nécessité. Nous ne demandions pas la réouverture de nos librairies. Nous ne voulons pas être des vecteurs de propagation du virus. »
L’humain avant tout. La part belle de notre métier, avec l’intelligence collective. Lisez le journal de confinement de la libraire Amanda Spiegel. Elle parle de nous.
