Poil de carotte, clair de lune, blanc poudré, terre battue, all blacks, baleine bleue, vert kiwi, barbe à papa, été indien… Marie-Laure Cruschi est une alchimiste. Sa dextérité d’illustratrice-graphiste n’a d’égale que sa connaissance des pigments. Et, au regard de sa dernière livraison, nous sommes à peu près certains qu’elle détient le secret des couleurs. Son Colorama, Imagier des nuances de couleurs est tout bonnement grisant.
En amont de l’ouvrage, Marie-Laure Cruschiform a adopté une démarche de chercheuse et de documentaliste, lu beaucoup, Michel Pastoureau par exemple, compulsé les ouvrages spécialisés, les écrits de référence, les publications qui comptent. Elle s’est entourée de célèbres nuanciers, dont le Pantone et même un Dulux Valentine. Rien au hasard, tout dans le détail pour faire émerger 133 nuances subtiles, nommables et évocatrices. Passé le coup de foudre esthétique, nous réalisons qu’elles réveillent en nous une image, émergeant de notre mémoire individuelle et collective…
Chaque double-page présente une nuance : une illustration et un paragraphe documenté à gauche, une pleine planche de couleur à droite. Les illustrations sont intenses et précises, composées à l’aide de contours définitifs et de superpositions. Ce qui aurait pu devenir chirurgical est en fait sensible, libre, inventif. Du Cruschiform « dans le texte », comme on en croise parfois dans la presse, l’édition, la communication où l’artiste a ses habitudes.
Et pas question évidemment de transiger sur le traitement éditorial. Gallimard a soigné la fabrication afin que le travail de l’artiste soit respecté. Colorama, une merveille d’imagier à offrir à tout-va.