A l’occasion de la sortie de Taxi Baleine chez Little Urban, rencontre avec Sandra Le Guen

  • Post published:24 juin 2019
  • Post category:Rencontres

taxi-baleine.jpgTaxi Baleine a accosté sur les rives des librairies, une semaine avant le jour de l’été. Illustré par Maurèen Poignonec, il a été écrit par Sandra Le Guen qui signe ici son nouvel album, le 11ème depuis à peine 3 ans !

 

Portés par notre curiosité naturelle, intrigués par cette générosité éditoriale, nous avions emprunté à l’auteure une fin d’après-midi à l’occasion de son exposition à la médiathèque La Girafe (Montfort-sur-Meu). L’arrivée de son nouvel album est idéale pour partager avec vous cette rencontre.

 

Ce jour de fin avril, à la médiathèque de Montfort-sur-Meu, c’est lecture à voix haute. Ponctuée d’applaudissements, l’agréable rumeur accompagne une visite guidée par Sandra. 

J’écris, je crée ? est une exposition très personnelle, questionnant sur ce qui inspire, fait naître les idées et met sur la voie de l’écriture. Sur ce qui se passe « avant » le livre. C’est cela que nous sommes venus découvrir : qu’est-ce qui pousse Sandra Le Guen à écrire ? Où commencent L’Apachyderme, Maman a des poux, Confettis Confettis, La Couleur du vélo, Les pieds en éventail ou Taxi Baleine… ? Comment « devient » le travail d’écriture et qu’est-ce qui l’insuffle ?…

 

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Regarder le monde, collectionner les détails

« J’ai décidé de créer cette exposition à la suite du Feuilleton des Incorruptibles auquel j’ai participé avec des CM2-6ème. Les enfants m’ont posé beaucoup de questions : comment vient l’inspiration, comment je travaille, où je travaille… J’ai souvent apporté des réponses avec des images, des photos de situations. C’est ce qui a inspiré l’expo portée par la question « J’écris, je crée » ? Est-ce que je crée réellement quand j’écris ou est-ce que je dis juste ce que je vois et comment je le vois ? C’est peut-être plutôt ça : une traduction de mon regard sur le monde, plutôt qu’une création.

 

L’écriture est située dans l’émotion, dans ce que je ressens. J’écris des choses qui relèvent de la lumière, du souffle, de la poésie. Dans un paysage, je me focalise sur les détails qui vont être une ouverture soit à l’aventure, soit à la rencontre…

 

Regarder un enfant qui joue, déguisé en super-héroïne, avec les gants rouges, et sur son tout petit doigt, une coccinelle…

 

Regarder les confettis par terre, en revenant du carnaval. Se demander où ils vont…

 

Regarder l’enfant qui danse et voir Peter Pan qui apparait…

 

Regarder la fleur par en-dessous, s’allonger dans l’herbe et prendre contre-pied, avoir une autre vision, se mettre à hauteur d’enfant…

 

Regarder mes enfants qui jouent sur la plage (une plage en Bretagne, la Bretagne que j’aime, le Finistère, tout le Finistère, je ne suis pas bégueule, du moment qu’il y a un petit bout d’océan !)…

 

Regarder le ciel, la liberté gagnée, les contre-jour…

 

Et faire grandir l’histoire en partant des petites graines… »

 

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Les vraies choses de la vie

 

Il y a dans mes livres de vraies choses qui raccrochent à la réalité, à la vie. Dans La couleur du vélo, partiellement autobiographique, il y a l’escalier de mes grands-parents, la chaise peinte par mon papa, la petite robe que je portais… Je suis là aussi, sur la couverture, dessinée par Thanh Portal !

 

Je traite de sujets qui ne sont pas toujours faciles, l’adoption, le deuil, les réfugiés, la position de la femme… Je suis attachée à des valeurs, à ce qui soulève des questions, touche à des tabous… Par exemple, les enfants voient La couleur du vélo comme un texte optimiste. Ils n’interprètent pas les choses de la même façon que nous. Les tabous et interdits sont posés par les adultes.

 

Coudre et faire ensemble

« Écrire, c’est de la couture.

 

On est parfois obligé de calibrer des textes, comme dans la presse écrite. Une habitude que j’ai gardée de mon ancien métier. Sur mes carnets, je « fais » toutes mes pages, je découpe mon texte, je visualise les images, je refais, je découpe, je redécoupe, je compte, je recompte.

 

On est très bavard au départ. Il faut trouver la connexion avec l’image. Je travaille en connivence avec les illustrateurs et ça change tout !. Le texte se fait d’abord, les images arrivent ensuite, qui me reviennent, et je modifie le texte, pour éviter des répétitions par exemple. Et quand c’est répété, il faut savoir pourquoi c’est répété…

 

C’est très important de laisser la place à l’illustratrice ou l’illustrateur, pour qu’on puisse porter le livre ensemble et le défendre ensemble. C’est la richesse de l’album. « 

 

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Les mots justes, à voix haute

« J’aime parler clairement de sujets difficiles avec des mots appropriés tout en utilisant un vocabulaire assez riche. Si le mot est un peu compliqué, les images permettent de le comprendre, et de l’apprendre.

 

Je fais des collections de mots, je liste des mots, parce que je les aime, parce qu’ils sonnent, je les mettrai peut-être dans un livre, ou jamais…J’aime trouver des mots qui ont une musicalité, qui ont plusieurs pieds. J’écris les albums à voix haute. »

 

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Zozo, Roald et les autres

« Mes livres. Ma bibliothèque d’enfant. Zozo la Tornade d’Astrid Lindgren, avec ses pages déchirées, je l’ai tellement lu et relu. Et la Comtesse de Ségur, bien sûr (à l’époque, on n’avait pas un choix de ouf) !. Les enseignants m’ont fait découvrir la lecture. Ma maîtresse de CE1 m’a lu Roald Dalh qui a forgé mon goût du récit, en tant que lectrice.

Mais un de mes meilleurs livres, c’était un dictionnaire quand j’étais en CE1 ! »

 

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La balade est terminée, la Girafe va bientôt fermer. Dernier coup d’œil sur J’écris, je crée ?, sur le personnage « neutre (ou presque) en attente d’une histoire » et sur les dix albums prêts à accueillir Taxi Baleine ainsi que les histoires à venir. Histoires à venir, histoires en devenir dont le début est peut-être déjà là, niché dans les collections d’images et de mots. Histoires n’attendant que le moment de se glisser dans les pages d’un carnet, de rencontrer des illustrations, de prendre le large, de naviguer et de grandir…

 

***

 

 

Merci merci merci Sandra pour ce temps donné et ce rendez-vous vivifiant, près de chez nous !

 

 

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