A l’instar de la Déclaration des Droits et du Citoyen, des gravures sur bois confucéennes, du journal du premier voyage de Vasco de Gama, des manuscrits originaux de Che Guevara ou des documents d’Astrid Lindgren (Fifi Brindacier), les archives du Père Castor sont désormais inscrites au registre Mémoire du Monde de l’Unesco mis en place en 1992. Ce programme vise à préserver et protéger le patrimoine documentaire du monde, partant des postulats qu’il appartient à tous et qu’il doit être « accessible (…), de manière permanente, sans obstacle aucun, compte tenu des spécificités et pratiques culturelles qui s’y rattachent. »
Constituées par Paul Faucher, fondateur du Père Castor, ces archives comprennent notamment des documents relatifs à la conception, à la fabrication et à la diffusion de la collection « Les albums du Père Castor » (1931-1967) : notes, correspondances, illustrations, enregistrements… autant de témoignages essentiels de l’histoire du Père Castor et de ses apports considérables dans le domaine de la littérature jeunesse.
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Après la fin de la première Guerre Mondiale, Paul Faucher entre chez Flammarion à l’âge de 23 ans. Il se passionne très vite pour l’éducation et la pédagogie. Des rencontres forgent ses convictions et sa vision de l’enfant. Il côtoie et échange beaucoup avec les initiateurs de l’Éducation Nouvelle. En 1929, la tchèque Lida Durdikova – qu’il épouse en 1932 -, lui fait découvrir les travaux et les engagements du pédagogue Frantisek Bakule.
En 1931, Paul Faucher, animé par le désir de mettre ses connaissances au service de l’enfant via le livre, propose à Flammarion la création d’une nouvelle collection. Elle s’appellera Les Albums du Père Castor en hommage à cet animal symbolique, réputé pour ses talents de constructeur. Plus qu’une collection d’albums illustrés, il s’agit d’un véritable projet éducatif et novateur mettant l’enfant au cœur de l’apprentissage de la lecture, encourageant son activité créatrice, libérant son imagination et favorisant son autonomie, à contre-courant des méthodes autoritaires de l’époque.
Les deux premiers albums sont des albums d’activités illustrés par Nathalie Parain (Je découpe a été réédité par MeMo en 2013). C’est le début d’une grande histoire, prolixe, populaire et mémorable, où les illustrateurs russes joueront un rôle important. Alexandre Chem, Hélène Guertik, Feodor Rojankovski apportent une touche esthétique inédite, colorée, misant des aplats et des formes simples et dynamiques.
Qu’est-ce qui « fait » révolution chez le Père Castor ? Paul Faucher souhaite travailler sur la complémentarité de l’image et du texte afin de favoriser la compréhension. Il envisage le livre comme un tout. Il pose comme préalable et condition à la conception d’un album le respect des besoins de l’enfant, de sa façon d’apprendre et la recherche de son autonomie. Une démarche qui s’érige en mantra et qui le poussera même à ouvrir l’École du Père Castor en 1947.
En 1967, à la mort de Paul Faucher, on compte 320 titres publiés à 20 millions d’exemplaires. Les éditions Flammarion continuent de faire vivre la collection en l’étoffant de nouveautés. Tandis que quelques premiers albums, originels, sont arrivés jusqu’à nous, intemporels, parfois madeleine de Proust, mêlant un souvenir d’enfant à un souvenir de parent. Ainsi se nourrit la mémoire collective, ainsi se transmet la mémoire du monde.
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