Et si jamais… ?, Anthony Browne – Editions Kaleidoscope – 14,80€
Invité à l’anniversaire de son ami Tom, Joe a perdu l’invitation sur laquelle était inscrit le numéro de la maison. Une première bonne raison de ne pas s’y rendre. Mais sa maman l’encourage, ensemble ils trouveront la maison.
Dans la rue plongée dans l’obscurité, passant devant une première fenêtre, puis une autre, Joe est nerveux : « Et si jamais il y a quelqu’un que je ne connais pas à cette fête ? » « Et si jamais il y a plein de monde là-bas ? » « Et si je n’aime pas la nourriture ? » « Et si leurs jeux sont affreux ? » « Et si jamais… ? »
L’imagination de Joe s’emballe. Sa maman se veut rassurante. Mais tandis que l’enfant s’engouffre finalement dans la maison de son ami, elle est en proie au doute, à son tour… « Et s’il se sentait vraiment malheureux ? » Ce qui n’arrivera pas, bien entendu !
Affronter l’inconnu et les peurs, petites ou grandes, qui nous habitent quand on ne sait pas ce qui nous attend. L’anxiété qui grandit, presque malgré soi. Des images qui surgissent – tout un cinéma. L’envie nous démange : rebroussons chemin, n’y allons pas, restons chez nous. Pourtant, le pire n’arrive jamais… Et quand enfin nous avons pris notre courage à deux mains, quel plaisir…
Lorsque Joe se raconte des histoires, elles se matérialisent dans l’encadrement des fenêtres éclairées, pour lesquelles Anthony Browne, parlant de l’album, avoue une certaine fascination. Nous avons tous joué à cela en traversant les rues, la nuit. Qui habite là ? Quelle vie cette maison abrite-t-elle ? Quels secrets ? Quels fantaisies ?
Les visions de Joe sont extravagantes. Sur une double-page, elles ponctuent l’album et envahissent l’espace. Un énorme éléphant débordant de toutes parts, un banquet de gros bonshommes bouffis rappelant les frères Tweedle d’Alice au Pays des Merveilles, une scène à la Brueghel évoquant le goût de l’auteur pour la peinture.
Et si jamais…? mêle l’ordinaire à l’extraordinaire. Entre les deux, les frontières sont ténues, souvent franchies par nos émotions. Un registre qu’Anthony Browne continue d’explorer avec virtuosité.