Caperucita Roja, Adolfo Serra – Ed. Narval (Espagne) – 14€
Sin texto. Sans texte. Ce Petit Chaperon Rouge est une originalité en soi. Un album universel en quelque sorte. Repéré à Bologne par l’un des nôtres dont la propension à dénicher du trésor est avérée, l’album d’Adolfo Serra est publié par la maison d’édition madrilène Narval. Il nous arrive d’Espagne grâce au réseau de l’ALSJ. C’est une jolie « exclusivité Sorcières »…
Caperucita Roja. Qu’importe le titre en espagnol, nous sommes ici invités par l’auteur à voyager librement au coeur de l’histoire, à conter comme bon nous semble : » L‘illustration est le seul moyen de raconter l‘histoire, en favorisant l‘interprétation du lecteur, enfant ou adulte. Inépuisable, chaque lecture offre une nouvelle version du conte. » Déjà conquis, nous nous serions contentés de cette fantaisie.
Pourtant, l’absence de texte n’est pas la seule audace de l’album. Adolfo Serra bouscule notre vision ordinaire des choses. Il chahute nos idées reçues en choisissant des angles inhabituels. Adolfo Serra regarde depuis « ailleurs », il se déplace autour de l’histoire, plonge, contre-plonge, se décale et nous décale avec lui. Ses points de vue sont symboliques, subjectifs, émouvants. La toison noire du loup est une forêt, dans laquelle le petit chaperon rouge se fraye un chemin. L’enfant et l’animal sont physiquement liés. Dans la chevelure du personnage se forme la silhouette du loup. La gueule du loup surgit, démesurée, envahissant la double page devant une petite fille minuscule et observatrice…
Comme si cela ne suffisait pas, le dessin ajoute au charme général une belle intensité. Le geste et le coup de crayon sont perceptibles. Fusain, aquarelle, peut-être un peu de pastel. L’illustrateur soigne les traits et les mouvements. Il soigne aussi la composition. Il joue entre les pleins et les vides : les pleins bien pleins, les vides bien vides. Ainsi, d’une page à l’autre, l’histoire rebondit avec rythme.
Cette version du Petit Chaperon Rouge est une version singulière, universelle. Elle semble nous encourager à renouer avec la tradition orale. Car nous irons chercher dans nos souvenirs les traces du texte, nous retrouverons la chevillette, la grande bouche, mais nous ne retrouverons pas tout. Nous improviserons, enfin, bien obligés, nous inventerons. Finalement, ce Chaperon Rouge n’aurait-il pas vocation à réveiller le conteur qui sommeille en nous… Quién sabe ?
Que de belles paroles! Merci beaucoup!
Une étreinte un loup!
Adolfo Serra