Les lauréats des Prix Sorcières 2016

Les Prix Sorcières sont décernés par l’Association des librairies spécialisées pour la jeunesse (ASLJ) et par l’Association des bibliothécaires de France (ABF). Ils couronnent chaque année six titres dans les catégories suivantes : albums tout-petits, albums, premières lectures, romans 9-12 ans, romans ado et documentaires. Bravo aux lauréats, merci à eux pour ces formidables contributions à la littérature jeunesse !
 
CATÉGORIE ALBUMS TOUT PETITS
Pomme, pomme, pomme, Corinne Dreyfuss – Éd. Thierry Magnier – 11,90€
C’est l’histoire d’une belle pomme rouge dans un pommier. Une pomme toute simple, qui tombe de l’arbre, «poum poum poum Tombée», se fait croquer par un gourmand qui confiera le trognon et sa graine à la pluie. Mais qui sait? Il se peut que d’une petite graine ainsi abandonnée se perpétue le cycle de la nature… Avec un graphisme épuré et très contrasté, cet album magnifique est idéal pour les tout-petits. Une histoire, presque une comptine, à relire encore et encore pour s’amuser à jouer avec les sons, pour ravir les petites oreilles et leur faire découvrir la musique des mots.

CATÉGORIE ALBUMS


Yasuke, Frédéric Marais – Éd. Les fourmis rouges – 16,50€

Frédéric Marais nous conte l’histoire vraie de Yasuke, un enfant noir né au pied du Kilimandjaro, un enfant sans nom, isolé, vivant avec les animaux, marqué comme eux. Un jour, il part à la recherche d’un nom. Il marche, rencontre la mer, un bateau sur lequel il travaille, navigue des années, mais il n’a toujours pas de nom. Et puis le bateau arrive dans un pays inconnu. L’équipage débarque et tous sont emmenés auprès du puissant et redouté seigneur Oda Nabunaga qui n’a jamais vu d’homme noir. Il est impressionné par les qualités physiques du garçon et le prend sous sa protection, le confiant à un maître d’armes. Le garçon sans nom devient un combattant redouté, fidèle au seigneur qui le nommera samouraï. Il prendra alors comme nom Yasuke. C’est ainsi qu’un esclave venu d’Afrique devint samouraï, le seul samouraï noir. Ocres, noirs, bleus éclairés de blanc donnent force à cet album, avec quelques clins d’œil à Hokusaï. Magnifique.

CATÉGORIE PREMIÈRES LECTURES


L’Arbragan, Jacques Goldstyn – Éd. La Pastèque – 16€


Ça commence avec la perte d’un gant: celui d’un petit gars original et solitaire qui trouve refuge dans un vieux chêne nommé Bertold. Le lien entre l’enfant et l’arbre est si fort que l’illustrateur l’a affublé d’un béret en forme de gland. De son poste d’observation, ce gamin domine son village et ses habitants qu’il dépeint de façon savoureuse tout en posant un regard avisé et tendre sur la nature qui l’environne. Mais alors que le printemps a redonné aux arbres leurs feuilles, celles de Bertold se font attendre. Que faire quand un arbre, son arbre, meurt…? La réponse est à lire dans cet album, mais sachez d’ores et déjà que le gant de départ aura son importance, grâce à l’imagination géniale et émouvante de ce gamin. À l’instar de son personnage, L’Arbragan est un ouvrage qui nous fait prendre de la hauteur. Il nous offre, avec beaucoup de poésie et de tendresse tant dans l’illustration magnifique que dans le texte, de nouvelles perspectives sur des thèmes forts: la différence, la solitude, la mort, le temps qui passe… Superbe!

CATÉGORIE ROMANS JUNIORS

 


Le Mystère de Lucy Lost, Michael MorpurgoÉd. Gallimard Jeunesse – 15,50€
1915. Un père et son fils découvrent une petite fille livrée à elle-même sur une île déserte. Muette, l’enfant va être accueillie à bras ouverts au sein de la famille qui fera tout ce qu’elle pourra pour l’aider à se rétablir. Mais la fillette semble avoir oublié ce qui lui est arrivé et ne recouvre pas l’usage de la parole. Parallèlement l’auteur nous emmène alors de l’autre côté de l’océan Atlantique dans le quotidien d’une enfant, Merry, dont le père est parti à la guerre. Elle s’apprête à le rejoindre avec sa maman, à bord du flamboyant Lusitania, le Titanic anglais qui finira coulé par un sous-marin allemand. Vous l’aurez compris, il s’agit de la même petite fille, avant et après le terrible naufrage. On halète avec elle, on a froid dans cette eau glacée, on a peur, perdu avec elle dans l’océan. Et avec elle aussi, on reprend goût à la vie, on recommence à aimer. Un naufrage, une perte, une adoption, une histoire d’amour et l’aventure d’une reconstruction… Michael Morpurgo signe ici un de ses plus beaux romans, dont la trame lui a été inspirée par la vie de sa grand-mère. Très touchant, absolument passionnant, construit et écrit d’une manière admirable, il est à offrir dès onze-douze ans, aux pré-ados qui n’ont pas froid aux yeux.

CATÉGORIE ROMANS ADOS


Les Petites reines, Clémentine Beauvais – Éd. Sarbacane – 15,50€
Pour la troisième année consécutive, Mireille Laplanche est élue «Boudin de l’année» sur une page Facebook créée par un de ses camarades. Être vue comme moche et subir les railleries les plus ignobles, elle en a l’habitude. Ses deux compagnes d’infortune sur le podium de l’ignominie ont, elles, beaucoup plus de mal à encaisser ce classement de mauvais goût… Mireille, Hakima et Astrid ne se connaissaient pas encore mais vont vite se découvrir d’autres points communs inattendus et prendre les choses en mains. Ensemble, et chacune pour une bonne raison, elles décident d’effectuer un voyage en vélo jusqu’à Paris pour se rendre à la garden-party du 14 juillet de l’Élysée. Financement du voyage: à chaque étapes elles vendront… du boudin! Le périple sera un peu long et fatiguant, mais riche en rencontres… Rares sont les romans qui nous font rire aux éclats (vraiment!) et qui nous émeuvent à la fois. Ces petites reines sont hilarantes d’intelligence et nous embarquent avec elles dès la première page. Une grande réussite qui fait réfléchir sur le culte de l’apparence, la course à la célébrité (éphémère), aux dérives des réseaux sociaux, notamment quand ils sont utilisés pour nuire à autrui. Ici c’est l’humour, la solidarité et la capacité à développer un regard critique sur le monde qui sont mis en avant. L’écriture géniallissime de Clémentine Beauvais fait de chaque phrase un pur délice mâtiné d’humour grinçant et d’autodérision. Un road-trip décapant, un grand roman!
(Relire notre chronique sur le blog)

CATÉGORIE DOCUMENTAIRES


Cité Babel, Pascale Hédelin et Gaëlle DuhazéÉd. des Éléphants – 16,50€
Cité Babel, c’est un album en forme d’immeuble, dont la maquette est découpée en quatre parties. Au troisième étage, une famille musulmane; au deuxième une famille juive; au premier une famille catholique; et au rez-de-chaussée la fameuse épicerie de Monsieur Félix qui lui ne croit en rien et voit défiler tout le monde dans sa boutique: les familles déjà citées, mais aussi des hindouistes, des bouddhistes… On suit alors le quotidien des uns et des autres, qui s’écoule en douceur au fil des mois et des saisons, rythmé par le ramadan, la fête de Pâques, Hanoukkah, voire Halloween. On partage avec tous ces habitants les grands moments de la vie – naissances, anniversaires, mariages, funérailles – en même temps que nous sont expliqués les rites qui s’y rattachent. C’est l’occasion pour les jeunes lecteurs de découvrir – avec respect et sans manichéisme – les différentes fêtes, les fondements et les traditions de ces trois grandes religions, d’observer les différents modes de vie et de noter tous les points communs de ces diverses croyances – Le texte est accessible, instructif et pédagogique tout en restant très vivant (un exploit, non ?) Les illustrations joyeuses, pleines de vie et la manipulation ludique de cet album en font un ouvrage de qualité sur un sujet ô combien important. Un ouvrage qui prône la tolérance et l’ouverture aux autres: à acheter sans tarder pour les écoles, les bibliothèques et toutes les familles !

 
Chronique empruntée aux Sorcières 😉