Baba Yaga rééditée chez MeMo
Mieux vaut avoir une sorcière en photo qu’en pension, les petits enfants russes le savent, à qui l’on conte depuis la nuit des temps l’histoire effrayante et néanmoins captivante de Baba Yaga . Les sorcières ont un appétit vorace, surtout au creux de l’hiver. L’autre problème, c’est qu e, bonnes cuisinières, elles vous mijotent un bambin en deux coups de cuiller à pot et hop, la soupe est prête. Elles excellent en la matière, excitant la jalousie de leurs cousins les ogres, mais ce n’est pas nos oignons… Bref, Baba Yaga est une sorcière comme les autres, voire pire.
1862, Ivan Bilibin illustre la Baba Yaga d’Alexander Afanasyev
Peu avantagée par la nature, Baba Yaga est hideuse. Quand elle dort, son nez est si long qu’il se heurte au plafond. Elle n’a qu’une dent, et si en avait davantage, elles seraient toutes en très mauvais état. Sa cabane est du plus mauvais goût, montée sur quatre pattes de poulet vivant qui lance des cris stridents dès qu’âme humaine s’approche. Ce qui est très rare, car personne n’a envie d’être accueilli de cette manière. La cabane est entourée d’une palissade ornée de crânes et d’os humains. Sauf si l’on aspire à devenir un héros de conte russe, il n’y a aucu ne raison de s’égarer par là. Baba Yaga se déplace dans un mortier, dirigé à l’aide d’un pilon. Rien à voir avec Carabosse. Babayaga est une sorcière pragmatique. Son balai lui sert de…balai, afin d’effacer les traces derrière elle. Quand elle est de très bonne humeur, Babayaga est tout de même de bon conseil. Conseil qu’elle délivre toutefois avec parcimonie et à ceux qui auront fait preuve d’une grande politesse, car elle vieillit d’une année chaque fois qu’on lui pose une question. La sorcière n’est pas très emballée par l’idée…
De toutes les légendes slaves, Baba Yaga est la plus c élèbre. Les versions sont légion. L’originale est fournie par Alexander Afanasyev en 1862. Malgré la censure et la complexité de la tâche, celui que l’on appellera le « Grimm russe » collecte et publie plus de 600 contes et légendes russes.
La version de l’éditeur américain YMCA Press en russe et celle publiée par le Père Castor
En 1932, le conte inspire aux russes Nadjeda Teffi, écrivain, et Nathalie Parain, dessinatrice, un brillant album. Les illustrations de Nathalie Parain, influencée par l’école constructiviste russe, contribuent alors à faire évoluer l’édition jeunesse.
« Parain joue d’un nombre de couleurs très limité, s’appuyant sur des dessins perdus sur le fond blanc de la page, à la fois figuratifs et géométriques (…) La figure fantastique de la Baba Yaga déchaînée est ainsi l’occasion d’une mise en page spectaculaire, seule de l’album à bénéficier d’un fond, et d’autant plus impressionnante : la poussière tourbillonne, la sorcière vient comme un ouragan » commente Olivier Piffault, conservateur au Centre National de la Littérature pour la Jeunesse.
Cette année, pour la première fois depuis 1932, les éditions MeMo rééditent ce Baba Yaga « dans son format et ses couleurs d’origine », soutenu par une traduction contemporaine de Françoise Morvan. A Pantin, ce travail fait l’objet d’expositions, d’ateliers et d’animations jusqu’en février 2011.
> Le Rire de Babayaga : un conte musical de la compagnie d’enfants Légitime Folie, créé en 2001, il y est question de Noël, de mémoire et du rire effroyable de Babayaga… Prochain spectacle à Rennes, samedi 4 décembre, à la Maison du Champ de Mars. Le CD est en vente à la librairie.
> D’autres Baba Yaga… chez Gautier-Languereau, texte Taï Marc Le than, illustrations Rébecca Dautremer / chez Père Castor-Flammarion, texte Rose Celli, illustrations Anne Buguet.
> La Maison des Babayagas…où comment des vieilles dames seules ont décidé de veillir bien, ensemble, dans un projet citoyen et solidaire.